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moins, si la chose manquoit, elle n’auroit pas à se reprocher que ce fust par sa faute. « C’est le mieux que vous puissiez faire, luy dit la Chasteauneuf, et je suis fort trompée si vous n’y réussissez pas, car je ne sçay quoy me dit que vous devez estre la plus heureuse personne du monde.»

La Guyot, qui venoit faire sa cour à la Moliere, dont elle avoit besoin, les fit changer de discours, et la Chasteauneuf s’en alla pour les laisser parler en liberté des affaires de leur troupe.

Cependant Du Boulay, qui croyoit que son bonheur n’avoit esté retardé que par la seule presence de la confidente, se rendit le lendemain chez la Moliere avec des impatiences qu’il est aisé de se figurer, esperant la retrouver dans les mesmes dispositions qu’il l’avoit laissée : il se faisoit des avant-gousts plus grands que le plaisir mesme ; il s’estoit mis le plus magnifique qu’il luy avoit esté possible, et estoit allé chez elle deux heures plus tost qu’à son ordinaire. Mais il fut bien surpris de la trouver dans un serieux qui auroit glacé l’Amour mesme. Elle s’estoit desjà repentie de la complaisance qu’elle avoit eue la veille, quoyqu’elle eust esté presque involontaire, et que les seuls mouvemens de la nature la lui eussent inspirée plustost que ce qu’elle sentoit pour Du Boulay. Ainsy, pour effacer la mauvaise opinion qu’il auroit pu con-