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ridicule dans un mary, et j’attribuay à son humeur ce qui estoit un effet de son peu de tendresse pour moy, Je n’eus que trop de moyens de me convaincre de mon erreur, et la folle passion qu’elle eut peu de tems après pour le Comte de Guiche fit trop de bruit pour me laisser dans cette tranquillité apparente. Je n’espargnay rien à la première connoissance que j’en eus, pour me vaincre moy-mesme dans l’impossibilité que je trouvay à la changer ; je me servis, pour cela, de toutes les forces de mon esprit : j’appelay à mon secours tout ce qui pouvoit contribuer à ma consolation ; je la consideray comme une personne de qui tout le mérite estoit dans l’innocence et qui, par cette raison, n’en conservoit plus depuis son infidélité. Je pris, dès lors, resolution de vivre avec elle comme un honneste homme qui a une femme coquette et qui en est bien persuadé, quoyqu’on puisse dire que sa meschante conduite ne doive point contribuer à luy oster sa réputation. Mais j’eus le chagrin de voir qu’une personne sans grande beauté, qui doit le peu d’esprit qu’on luy trouve à l’éducation que je lui ay donnée, detruisoit en un instant toute ma philosophie ; sa presence me fit oublier mes resolutions, et les premières parolles qu’elle me dit pour sa deffense, me laissèrent si convaincu que mes soupçons estoient mal fondez que je luy demanday pardon d’avoir esté si