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trouva le moyen de surprendre une Lettre qu’elle escrivoit au Comte de Guiche durant le tems de leurs intrigues et qui estoit conçeue en ces termes :

LETTRE

J’avoue ma foiblesse, mon cher Comte : quelque plaisir qu’il y aist d’entendre dire du bien de ce qu’on aime, je ne puis m’empescher d’avoir un peu de jalousie d’apprendre que tout le monde vous trouve aussy bien fait que moy. Je n’ay point de chagrin de la justice qu’on vous rend, mais je suis allarmée de ce que les plus belles femmes de France cherchent à vous plaire ; tout ce qui me rasseure, c’est qu’elles n’auront jamais pour mon aimable Comte les mesmes tendresses que je sens. Adieu ; venez, me voir cette apres-disnée, pour me rasseurer sur mes frayeurs.

L’Abbé de Richelieu, enragé de trouver tant de tendresse dans cette Lettre, qui estoit une preuve certaine qu’elle en avoit peu pour luy, ne s’amusa point aux reproches, qui ne servent jamais de rien ; il se trouva seulement bien heureux de ne l’avoir prise qu’à la journée, et résolut dès ce moment de la laisser là : ce qu’il fit, après avoir fait appercevoir à Moliere que le grand soin qu’il avoit de plaire au public luy ostoit celuy d’examiner la conduite de sa femme, et que, pendant