Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
UNE DE PERDUE

— Cinq chaloupes, mon maître, là-bas.

Et il étendit la main dans la direction de la corvette.

— Et entends-tu quelque chose ?

— Oui, mon maître, la plonge régulière de rames dans l’eau et leurs contrecoups contre les tolets.

— Es-tu sûr ?

— Bien sûr.

Le capitaine, qui connaissait l’extraordinaire développement des organes visuels et acoustiques de son nègre, crut qu’il était prudent de prendre ses précautions, quoique lui-même ne put rien entendre, et qu’avec sa longue-vue il put à peine distinguer la phosphorescence, régulièrement interrompue et renouvelée de la mer, dans la direction que Trim lui avait désignée. Il fit en conséquence appeler tout l’équipage sur le pont, fit carguer toutes les basses voiles et les focs, et recommanda le plus grand silence et la plus stricte attention. Il fit placer au pied du mât de misaine un chaudron qu’il remplit de combustible et d’alcool, afin de donner de la lumière sur l’avant en cas de besoin, Un baril de goudron fut défoncé et placé auprès afin d’alimenter la flamme, s’il était nécessaire. Les armes furent distribués, deux canons furent tirés de leurs embrasures, chargés à mitraille et placés sur le gaillard d’arrière à tribord et à bâbord, de manière à enfiler le pont de bout en bout. La plus grande obscurité régnait sur le pont ; le capitaine fit éteindre tous les fanaux, un seul fut allumé et suspendu au beaupré. Il fit soigneusement enlever et retirer toutes les amarres qui pendaient le long du navire, excepté celles qui pendaient au beaupré. Puis quand toutes ces opérations