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UNE DE PERDUE

mée, son œil brillait, ses narines se dilataient comme s’il eut respiré le carnage.

— Holà ! mes enfants, nettoyez-moi ce pont bien net, leur dit-il en se retournant vers son équipage ; si ces messieurs veulent nous faire une petite visite, qu’on les reçoive au moins proprement !

— Et moi, mon maître, interposa Trim en riant de son gros rire de nègre, j’ai envie de leur préparer une ratatouille de ma façon accompagnée d’un gombo filé, ce qu’on appelle filé, mais tel qu’ils n’en mangent pas souvent.

— Bravo ! cria l’équipage.

Le capitaine sourit et s’assit sur l’affût d’un des canons du gaillard d’avant. Il ne put s’empêcher d’éprouver un sentiment d’orgueilleuse satisfaction de se voir à la tête d’aussi braves marins. En effet, il aurait été difficile de trouver soixante hommes, y compris Trim, aussi braves, aussi robustes, aussi actifs, aussi expérimentés, aussi obéissants. Il sentait qu’il fallait qu’ils mourussent tous, jusqu’au dernier, avant que les pirates pussent se dire maîtres du vaisseau, et que tant qu’il y en aurait un, un seul, celui-là ferait plutôt sauter le navire que de se rendre. Cette idée était bien une consolation sans doute, mais elle n’en était pas moins une preuve que, dans l’opinion du capitaine au moins, l’engagement qui se préparait allait être acharné, et que les chances étaient douteuses.

Quand le pont eut été nettoyé, le capitaine fit distribuer à chacun les armes suivant son occupation, il fit ouvrir les soutes aux poudres et apporter aux pieds des mâts tout ce qui pouvait servir à l’abordage. Les gabiers avec leurs carabines montè-