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DEUX DE TROUVÉES

Les deux jeunes filles continuèrent longtemps à garder le silence, chacune emportée par ses pensées dans des songes bien différents. Clarisse songeait à la Nouvelle-Orléans et à New-York, aux théâtres, aux bals et aux plaisirs de toutes sortes qui allaient éclore sous ses pas. Sara, elle, pensait à sa vieille mère et à son père ; et aussi elle avait bien regret pour quelqu’autre personne ; un beau jeune homme qu’elle laissait derrière elle à Matance. Ce beau jeune homme, au teint brun, à la moustache légère, à la taille si souple, si, brave, si galant et si amoureux, elle le quittait, et peut-être pour ne plus le revoir ? Son nom venait involontairement mourir sur ses lèvres. Pauvre Sara, elle pensait à son amant. Son cœur était gonflé et ses lèvres entr’ouvertes semblaient murmurer le nom d’Antonio, mais si faible, mais si bas qu’il n’y eut que son âme qui l’entendit ; sa pauvre âme si triste ! une larme vint briller à sa paupière et un soupir s’échappa de sa poitrine.

— Clarisse, je vais me coucher, vas-tu venir avec moi ?

— Attends donc encore un peu, il fait si beau, l’air est si pur, le vent si frais.

— Je ne me sens pas bien, je crois que j’ai un peu la fièvre, ma tête est lourde.

— Oui ! ma chère ; eh bien ! allons. Et toutes deux, après avoir embrassé Sir Gosford et souhaité le bonsoir au capitaine, descendirent à leur cabine.

Quelque temps après, un matelot piqua huit coups sur la cloche, et carillonna ; c’était la fin du quart. Une voix se fit entendre sur l’avant qui criait :

— Tribord au quart !