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DEUX DE TROUVÉES

relâcher à Matance, dans l’île de Cuba. C’est la rencontre du capitaine qui m’a retenu si longtemps.

À mesure que M. Pluchon parlait, une pâleur livide envahissait toute la figure maigre et osseuse du Dr. Rivard. Une sueur froide couvrait son front plat et écrasé. Il sut néanmoins contenir son émotion, et se servant un coup de cognac qu’il mêla d’un peu d’eau, il fit signe à M. Pluchon d’en faire autant.

Ces deux hommes gardèrent le silence pendant quelque temps. Tous les deux pensaient ; mais leurs pensées étaient bien différentes.

M. Pluchon, lui, pensait que tout était perdu, et que les trente-cinq mille dollars que lui avait promis le Dr. Rivard, en cas de réussite, étaient aussi perdus. Fin, rusé, adroit pour exécuter les ordres qu’un autre lui aurait donnés, il manquait de cette intelligence et de cette énergie qui ne se rebutent de rien, et qui s’aiguillonnent et se développent au contact des difficultés et des obstacles. Sous une figure passablement insignifiante, à l’exception de ses yeux de furêt et de son nez pincé, il cachait l’âme la plus noire. Il avait reçu une certaine éducation dans un collège et exerçait, par forme, les fonctions de huissier. D’un caractère profondément dégradé, il ne reculait devant aucune bassesse. D’une sordide avarice, un crime, quelqu’atroce qu’il fut, ne lui répugnait pas, pourvu qu’il fût bien payé pour le commettre. Il avait la main toujours prête, mais il fallait une tête pour la diriger.

Il en était tout autrement du Dr. Léon Rivard. Ce contre-temps l’avait fortement contrarié, mais nullement découragé. Sa résolution était inébranlable, seulement il voyait ses plans dérangés. D’abord