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UNE DE PERDUE

rejoindrait avant qu’ils fussent hors du chenal. Après avoir donné quelques ordres à ceux qui devaient rester à terre durant son absence, Cabrera se dirigea rapidement vers sa case, où il n’avait pas mis les pieds depuis deux jours. Il ne put réprimer les battements de son cœur, en approchant de sa demeure où la Française était tenue prisonnière. À mesure qu’il approchait, il sentait sa résolution s’affaiblir, son pas se ralentir malgré lui, un léger froncement vint contracter ses sourcils. — Je n’irai pas, se dit-il à lui-même : à quoi bon ? encore des pleurs, des pleurs, toujours des pleurs ! Je devrais l’étrangler, et cependant je ne sais ce qu’il y a dans son grand œil noir qui m’étonne, qui me désarme, qui me brûle à travers ses paupières humides. Je ne me connais plus. Cabrera s’émouvoir devant une femme ! Et il s’était arrêté irrésolu. — Non, je n’irai pas ; à la guerre, au feu, à la mort d’abord, et après… après nous verrons qui l’emportera de nous deux ! Et il s’élança vers un petit canot qui était sur le bord de l’eau, saisit l’aviron et en peu de temps il eut rejoint sa corvette qui, ainsi que la polacre, débouquait du chenal tortueux de l’esterre.

Dix minutes après, les deux navires pirates étaient en pleine chasse, et couraient, toutes voiles dehors, à la poursuite du Zéphyr.

Piétro était resté à terre chargé du commandement en l’absence de Cabrera, avec les plus pressantes recommandations de sa part de veiller sur la Française, et de lui procurer tout le comfort dont elle pourrait avoir besoin.