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DEUX DE TROUVÉES

— Et en troisième lieu, quoi ?

— Et en troisième lieu, parce que, entends-tu, je ne veux pas qu’on fasse de réflexions sur la prisonnière du général.

Piétro se mordit les lèvres. Il ne savait que penser du mulâtre. Était-ce obéissance et respect pour Cabrera, ou amour pour la Française qui portait le mulâtre à en agir ainsi. Piétro n’aimait pas Cabrera et encore moins le mulâtre ; il eut donné beaucoup pour connaître les motifs de sa conduite en cette circonstance.

— Mais il me semble, mon cher Burnouf, reprit Piétro après un instant de silence, que le général ne devrait pas être si particulier sur sa Française ; car après tout, ce n’est pas lui qui l’a fait prisonnière ! En bon droit et en stricte justice elle doit t’appartenir à toi, Burnouf, car c’est toi avec ta polacre qui as attaqué l’anglais, et quoique Cabrera soit arrivé avec sa corvette quelques minutes après que tu fus monté à l’abordage, c’était encore un de tes gens qui avait empoigné la Française ; Cabrera n’avait pas le droit de s’en emparer.

Piétro, en prononçant ces paroles d’un air presque indifférent, n’en avait pas moins suivi avec attention l’expression de la physionomie du mulâtre, dont les épais sourcils s’étaient contractés à mesure que Piétro parlait.

— Les roches entendent, répondit le mulâtre en baissant la voix ; éloignons-nous un peu d’ici.

Et le mulâtre et Piétro allèrent à quelque distance, ce dernier tressaillant involontairement de l’expression féroce du mulâtre.

— Tu penses donc que j’ai droit à la Française ?