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UNE DE PERDUE

uns un bouquet de violettes, les autres une corbeille de fruits, ou toute autre chose que ces bons serviteurs croyaient pouvoir lui faire plaisir.

— Où est Pierrot ? demanda-t-il aussitôt qu’il eut fini son déjeuner.

— Li l’été couri voir c’te jiment savage, du laquelle tout l’imonde parlé tant ! répondit le vieux Jacques, qui arrivait de la cuisine.

Pierre fit un léger mouvement d’impatience, qu’il réprima presqu’aussitôt,

— Eh bien, Jacques, tu vas venir avec moi. Et il prit son chapeau et sortit avec le vieil esclave, qui le conduisit à l’endroit du cimetière où avait été enterré M. Meunier.

Agenouillé sur la tombe de son père, la tête nue et baissée sur sa poitrine, il demeura longtemps dans cette position, sans que les allées et venues continuelles des curieux et des visiteurs le dérangeassent un seul instant de sa profonde rêverie, et de la religieuse offrande que lui dictait sa piété filiale.

Quand il retourna à son logis, il donna l’ordre de dire « qu’il n’était à la maison pour personne ; » se soustrayant ainsi à toutes les visites, qui ne cessèrent de lui arriver tout le reste de la journée. Il était devenu tout d’un coup le héros de la Nouvelle-Orléans ; et c’était à qui irait lui en faire le compliment. Quelques-uns par amitié, plusieurs par devoir et le plus grand nombre par curiosité, comme toujours.

Il passa une partie de la nuit à écrire à chacun des gérants de ses diverses habitations, de lui envoyer au plus tôt un état des différentes fermes, du nombre et de la conduite des nègres, et du montant