Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/377

Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
UNE DE PERDUE

 

La lecture du mémoire de M. Meunier, dont nous venons de donner quelques fragments, occupa Pierre de St. Luc une partie de la matinée, et fit une profonde impression sur son esprit. La première partie du mémoire, écrite aux jours de jeunesse de M. Meunier, avait fait place dans la seconde, à des réflexions plus sérieuses et plus solennelles. Cette seconde partie avait été commencée quelque temps après la mort de la seconde femme de M. Meunier, et terminée quelques semaines seulement avant l’époque où commence cette histoire. Nous faisons pour le présent grâce au lecteur de cette seconde partie, nous réservant, si les circonstances le requièrent, le droit d’en citer plus tard quelques extraits.

À mesure que Pierre de St. Luc, auquel nous conservons ce nom, avançait dans la lecture du mémoire, il lui avait semblé entendre une voix de l’autre monde, lui parlant par d’au-delà la tombe, et dont les paroles lui arrivaient, après s’être épurées au tamis du linceul mortuaire ; d’abord un peu indistinctes, puis peu à peu plus graves, plus profondes, plus solennelles. Absorbé dans un saint recueillement, son âme avait, si je puis m’exprimer ainsi, spiritualisé les paroles de son père, les dépouillant de tout ce que la plume leur avaient empreint de faiblesse humaine, pour n’y voir que l’expression d’une pensée divine, qui lui donnait, dans son père, une grande leçon et lui offrait un grand enseignement.

Pierre de St. Luc ne discuta pas les actions de l’homme ; il ne vit qu’un père ! Dans Éléonore de M***, il ne jugea pas la femme… Cette femme, c’était sa mère ! Un fils ne juge pas sa mère !… Ce serait un blasphème !