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DEUX DE TROUVÉES

« Les armateurs, chez lesquels je me rendis en débarquant, me croyaient mort depuis longtemps. Ils n’avaient jamais entendu parler ni de mes compagnons laissés sur le navire ni de moi, depuis notre naufrage.

« Ceux qui avaient quitté le navire naufragé dans la chaloupe, furent recueillis par un des vaisseaux de la compagnie des Indes qui retournait en Angleterre ; d’où ils revinrent à Boston rendre compte aux armateurs de ce qui leur était arrivé.

« Ma femme avait appris mon naufrage. La nouvelle s’en répandit à Sorel et dans la paroisse de St. Ours, avec celle de ma mort. Mon pauvre vieux père ne put supporter ce choc ; il était malade et cette funeste nouvelle hâta sa mort, qui arriva quelques mois après.

« Pendant douze mois, Éléonore fut inconsolable. Elle fit une grave maladie, qui la conduisit à deux doigts de la tombe.

« Son père, profitant des terreurs de la mort, et de l’affaissement physique et moral de ma pauvre femme — ah ! c’est la dernière fois que je dois l’appeler ainsi, — lui persuada que notre mariage était nul ; que de continuer dans cet état, c’était un crime, un sacrilège !… Ma bonne et sainte Éléonore je te pardonne !… Tu me croyais mort. Tu oublias notre mariage… Pour rentrer dans les bonnes grâces de ton père, tu consentis à prendre pour époux un homme de son choix… Ah ! je sais les pleurs que tes yeux ont versés !… Assez, assez ! n’en parlons plus.

« Pierre, mon bon fils Pierre, tu la reverras… ta mère. »