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UNE DE PERDUE

— Ce que vous voudrez, lui répondis-je.

— Je vous suivrai partout où vous voudrez, continua-t-elle en me tendant la main.

— Marions-nous secrètement, lui dis-je en la pressant sur mon cœur.

Mme  Deguise, qui avait assisté à cette scène et qui sentait dans son cœur tout ce que nous éprouvions, nous conseilla de modérer notre douleur et notre impatience.

— Je verrai M. de M***, nous dit-elle ; je lui parlerai. Attendez encore quelques années, vous êtes jeunes tous deux. Le temps change bien des choses. Vous voulez faire une folie, impossible d’ailleurs ; car aucun prêtre ne voudrait vous marier sans le consentement de vos parents, étant tous deux mineurs.

— Si nous ne trouvons pas de prêtre qui veuille nous marier, repris-je presque sans savoir ce que je disais, nous nous ferons marier par un ministre.

— Absurde ! absurde ! répondit Mme  Deguise, il vous faudrait une licence.

— Eh bien, nous irons nous marier dans les États.

— Plus absurde encore !

— Qu’allons-nous donc faire ? nous écriâmes-nous en nous jetant aux pieds de Mme  Deguise. Nous ne pouvons vivre l’un sans l’autre.

— Attendez, attendez ; un an, deux ans, trois ans s’il le faut.

— Et si mon père, reprit Éléonore en sanglotant, voulait me forcer d’en épouser un autre ? vous le connaissez, ma tante, sa volonté inflexible ne saurait se soumettre aux désirs des autres, il ne peut souffrir chez qui que ce soit une opinion différente de la sienne, encore bien moins chez sa fille.