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DEUX DE TROUVÉES

après m’avoir chaleureusement exprimé toute sa reconnaissance dans les termes les plus affectueux.

« Dans l’après-midi je retournai chez Mme  Deguise pour avoir des nouvelles d’Éléonore. Elle était couchée et bien malade. J’y retournai le soir. Elle n’était pas mieux. J’y retournai encore le lendemain ; je voulais la voir, quand ce n’eusse été qu’un instant ; lui dire un mot, quand ce n’eut été qu’un seul.

« Madame Deguise m’attendait dans le salon, où la servante me fit entrer. Elle me tendit la main avec bonté et me fit asseoir près d’elle. Nous restâmes quelques instants sans prononcer une seule parole. Je tremblais d’apprendre quelque fâcheuse nouvelle, je tenais mes yeux baissés sur le tapis, n’osant les lever sur Mme  Deguise ; elle contemplait mes traits bouleversés. Je sentais qu’elle m’examinait sans que je la regardasse, j’étais embarrassé ; non que j’eusse aucun reproche à me faire ; au contraire, ma conduite vis-à-vis d’Éléonore avait toujours été respectueuse et réservée. J’aimais trop véritablement Éléonore, j’attachais trop d’importance à son estime pour ne pas avoir essayé de la mériter. Le véritable amour est toujours timide vis-à-vis de celle qui en est l’objet, quelque violent qu’il soit dans le cœur de celui qui le ressent. Mon amour pour la nièce me rendait timide vis-à-vis de la tante, et c’est cette timidité qui causait mon embarras.

— Vous êtes bien changé, me dit-elle d’une voix pleine de bienveillance ; êtes-vous malade ?

« Les larmes, malgré moi, me montèrent aux yeux à l’accent affectueux de sa voix ; je me sentais entraîné à lui faire l’aveu de mon amour pour sa