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DEUX DE TROUVÉES

pression de son regard. Je ne la revis plus de la journée.

« Le jour suivant, Mme  Deguise me demanda si je voulais la mener en voiture avec sa nièce, chez une de ses amies. Je les conduisis. Je retournai seul avec Éléonore chez Mme de Grandpré. Nous ne nous étions pas encore dit un mot, je ne lui avais adressé la parole qu’une fois, à notre retour de la messe de minuit. J’étais assis près d’elle dans la carriole. Mon émotion était si grande que j’avais à peine la force de tenir les rênes. Elle était encore plus émue que moi. En arrivant à la maison, je lui offris la main pour l’aider à sortir de la voiture. Son visage était blanc comme la neige ; il semblait qu’elle allait défaillir.

« M’en voulez-vous ? » lui dis-je d’une voix presqu’inaudible. Sa main trembla dans la mienne ; elle ne répondit pas, et s’élança dans la maison…

« Elle resta jusqu’au jour de l’an chez Mme de Grandpré. Je la vis tous les jours et je lui parlai. Plusieurs fois je la promenai en voiture. J’allai la voir chez sa tante à Sorel, où elle devait passer une partie de l’hiver…

« Notre amour s’était mutuellement développé avec une brûlante intensité. Je ne pouvais plus vivre loin d’Éléonore.

« Mon père, trop bon, trop généreux, trop faible pour me rien refuser, vendit sa terre pour m’acheter un cheval superbe, que je lui avais demandé. Je regardais peu à la gêne à laquelle se mettait mon père, à la misère peut-être à laquelle il s’exposait pour gratifier ma folle ambition. Que m’importaient la gêne, les privations, la misère, pourvu que j’eusse