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UNE DE PERDUE

son gentil visage. La poudrerie, poussée par le vent, fouettait nos figures. La traîne était pleine de personnes, les chemins étaient si remplis de neige que notre cheval n’avançait qu’avec peine. À chaque instant, par le balancement que nous donnions à la voiture en nous tenant debout, nous étions sur le point de verser. La nuit était noire ; nous pouvions à peine nous voir les uns les autres ! Éléonore se trouvait immédiatement devant moi, un peu à ma droite. Elle fut obligée de se retourner pour éviter le vent et la poudrerie, qui lui coupaient la figure. Elle n’avait qu’un châle de laine ; elle avait froid. Par un des balancements de la traîne elle tendit la main pour ne pas tomber ; sa main toucha la mienne ! Je me sentis frissonner, et malgré moi je la pressai… Elle ne la retira pas. Je me baissai un peu et je lui dis, mais si bas, si bas, que j’eus de la peine à m’entendre moi-même tant j’étais ému : « avez-vous froid ! » Je ne sais pas si elle me répondit, je l’enveloppai dans mon manteau que je jetai par dessus sa tête, pour la préserver de la tempête…

« Quand nous arrivâmes ; la maison, je ne m’étais aperçu ni du temps ni de la distance !

« Je ne pus me résoudre à rester pour prendre part au réveillon que Mme de Grandpré avait fait préparer. Je montai à ma chambre, et je me jetai ensuite presque tout habillé sur mon lit.

« Le lendemain, au déjeuner, je revis encore Éléonore, et, comme si nous eussions été attirés par un aimant magnétique, nos regards se rencontrèrent ! Elle était un peu pâle ; ses lèvres tremblèrent faiblement et sourirent d’un sourire si plein d’ineffable candeur, que je sentis mes sens se fondre sous l’im-