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UNE DE PERDUE

chansonniers !… Je commence à voir double ; est-ce que, par hasard, le champagne affecte la vue ? Ma langue s’épaissit ; ah ! comme les chan… delles tournent et dan… sent ! dansons ; …non, je tombe… rais. Allons nous cou… cou… cher, ça vau… dra… a mieux, car je crois vrrr… ai… ment que je suis… i… i… ivre !

Nous laisserons le docteur Rivard regagner, du mieux qu’il pourra, sa chambre à coucher, où nous irons le trouver à son réveil. Le docteur était généralement sobre, et l’excès qu’il venait de commettre devait être attribué à l’exaltation fiévreuse que les événements de la journée lui avaient fait éprouver, plutôt qu’à sa disposition à se livrer à l’intempérance.

Le lendemain, le docteur Rivard se leva de bonne heure, et sans autre souvenir de la veille, qu’un léger mal de tête, qui se dissipa à la première tasse de café, que la vieille Marie lui apporta à son lit.

Après avoir pris son déjeuner, il entra dans son étude et s’assit dans son fauteuil. Il demeura quelque temps la tête penchée et les bras croisés sur la poitrine. Les plis nombreux de son front annonçaient du soucis et de l’inquiétude chez cet homme si hardi, si endurci, si énergique. Cette journée allait être décisive pour lui ; dans quelques heures son sort allait être décidé. Qu’y avait-il qui put l’inquiéter ? Pierre de St. Luc n’était-il pas mort, ou du moins, si, par un impossible hasard, il n’était pas encore mort, n’était-il pas bien gardé au fond d’un cachot ? L’enfant légitime, reconnu et découvert par le juge même de la Cour des Preuves, n’était-il pas son pupille, légalement sous sa tutelle ? n’était-ce pas