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DEUX DE TROUVÉES

porte à Pierre de St. Luc, qui descendait de voiture soutenu par son fidèle esclave. L’air pur d’une belle matinée de Novembre avait ramené un peu les forces du capitaine, et les couleurs de ses joues, un peu excitées par le trajet, ne lui donnaient pas tout à fait la physionomie d’un revenant, auquel s’attendait la bonne madame Regnaud.

— Et d’où viens-tu donc, mon cher Pierre ? lui dit-elle en le tutoyant.

— Vous n’y pas parlé à li, à c’t’heure, di tout ; li l’a son la tête malade ; disé rien di tout ! moué va couri cherché médecin ; dit Trim tout bas à l’oreille de madame Regnaud, en tirant la manche de sa robe.

— Tu as raison, lui répondit-elle, en lui faisant un signe ; puis se retournant vers le capitaine qui s’était assis sur un petit canapé :

— Repose-toi là un instant, en attendant que Mathilde ait préparé ta chambre. Nous allons envoyer chercher le docteur ; quel docteur veux-tu avoir ?

Mathilde entrait en ce moment dans l’appartement. C’était une belle jeune fille de dix-sept ans, nouvellement sortie du pensionnat de madame Langlade. Son maintien modeste et ses cheveux noirs, lissés en bandeaux plats sur ses tempes, lui donnaient une expression de gracieuse timidité qui contrastait avec ses grands yeux créoles noirs, vifs et brillants, qu’ombrageaient de longs cils soyeux. Elle relevait d’une maladie nerveuse, contractée au pensionnat. Sa figure était pâle, et quelque chose annonçait chez elle une souffrance de l’âme qui avait survécu aux souffrances du corps.

En apercevant le capitaine, elle fit une respectueuse révérence,