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UNE DE PERDUE

un père selon la providence à celui dont le père selon la nature ne l’avait jamais connu ! »

Le docteur, en entendant les premières paroles du juge, s’était levé debout, sa figure était pâle, la bouche à demi-ouverte il semblait boire les paroles du juge. Quand le juge eut fini, le docteur tomba à genoux, les yeux et les mains levés vers le ciel ! Il fallait toute l’audacieuse effronterie du docteur Rivard, pour jouer cette hypocrite comédie en présence du juge ; mais le docteur avait eu le temps de mesurer l’étendue de sa crédulité ! Il ne resta qu’un instant à genoux, mais cette action avait été si spontanée, si naturelle, que le juge, bien loin d’y trouver rien d’affecté, n’y vit que l’élan sublime d’un noble cœur, qui remercie le ciel de l’avoir choisi pour servir de père au fils de son meilleur ami ; et il ne put retenir une larme qui s’échappa de sa paupière.

— Excusez-moi de m’être laissé aller à cet excès de faiblesse, dit le docteur Rivard en se relevant, je n’ai pu m’empêcher de remercier le Tout-Puissant d’avoir si miraculeusement, je puis le dire, préservé les jours d’un seul rejeton de la famille Meunier.

— Ce n’est point un acte de faiblesse, docteur ; je ne vois dans votre action que l’élan spontané d’un cœur plein de religion et de reconnaissance. Le hasard, que dis-je, la providence, vous a choisi pour être le tuteur d’un orphelin que vous croyiez pauvre, pour être le père d’un enfant que vous croyiez délaissé et jeté, sans soutien et sans guide, au milieu des écueils de ce monde ; et cette même providence vous confie l’administration de la plus brillante fortune et l’éducation de son héritier.

À mesure que le juge parlait, la figure du docteur,