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DEUX DE TROUVÉES

plus grande surprise ; cependant… mais non, continua-t-il, ce n’est pas possible.

— Mais enfin, docteur, si c’était véritablement le cas, si le petit Alphonse Meunier avait été mené à ce même hospice, dont vous êtes le médecin, et s’il y avait été mené par l’identique Coco-Letard qui en avait eu soin à Bâton-Rouge, que diriez-vous ?

— Par pitié, monsieur le juge, s’écria le docteur, ne vous moquez pas de ma douleur, c’est bien assez pour moi, après avoir perdu dans M. Meunier le meilleur des amis, un frère, de perdre encore aujourd’hui le jeune Pierre de St. Luc, que j’aimais comme mon fils, sans que vous veniez encore m’accabler du reproche d’avoir eu sous mes yeux, pendant dix ans, le fils de M. Meunier et de ne pas l’avoir serré contre mon cœur et l’avoir traité comme mon enfant !

Le juge se sentit tout ému à l’accent de la voix tremblante d’émotion du docteur Rivard et de sa figure si profondément empreinte de douleur ; il se reprocha presque d’avoir tenu le docteur en suspens, et continua d’une voix grave et d’un ton solennel :

— Docteur, ce n’est pas pour ajouter à votre affliction que je vous ai prié de venir me voir ici ce soir, j’avais un acte d’ami à faire, maintenant c’est un devoir que j’ai à remplir au nom de la société dont je suis le mandataire en ce moment. Ainsi vous pouvez m’en croire quand je vous dis, en ma qualité de Juge de la Cour des Preuves : « Que le petit Jérôme est le petit Alphonse Meunier ! Que celui vers lequel, sans le connaître, vous appelait votre cœur pour lui servir de père, était le fils de votre meilleur ami ! Que Dieu, au moment où il appelait à lui le père, rendait le fils au monde, donnant ainsi