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DEUX DE TROUVÉES

monter l’échelle. L’air plus pur que Pierre respira, en sortant du cachot, lui donna de nouvelles forces et il s’assit sur une chaise. À mesure qu’il reprenait sa vigueur, il put se rappeler plus clairement les différentes circonstances de son emprisonnement et de sa délivrance ; de nouvelles craintes vinrent l’assaillir, en songeant aux brigands qui l’avaient tenu emprisonné, et quoique Trim lui eut assuré que Tom était à l’étage inférieur, gardant la mère Coco et ses deux fils, Pierre sentit un frisson parcourir ses membres, à l’idée que les Cocos pourraient avoir préparé quelqu’embûche dans lequel pouvaient tomber Tom et Trim.

En ce moment il entendit Tom qui appelait au secours, il fit un mouvement pour se lever, mais les forces lui manquèrent et il tomba sur sa chaise.

— Cours à son secours, Trim, ils vont l’assassiner, cria Pierre ; ne t’occupe pas de moi, je serai mieux dans quelques minutes.

Trim regardait son maître avec inquiétude et semblait cloué à sa place. Un nouveau cri faible et étouffé se fit entendre, et cette fois Trim fit un bond comme une panthère qui s’élance sur sa proie ; en deux sauts il fut au pied de l’escalier ; ses yeux injectés de sang flambaient, ses lèvres contractées frémissaient, ses narines dilatées respiraient la vengeance, une vengeance terrible, féroce. La nature du nègre si extrême, son tempérament si ardent, ses appétits si animaux, ses passions si brutales, quand elles sont aiguillonnées ou agitées par la torche brûlante de la haine ou de la vengeance, bouleversaient en ce moment l’âme de Trim dont la figure reflétait la convulsive agitation.