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DEUX DE TROUVÉES

une dernière fois embrasser les restes mortels de celui qui lui était plus cher que la vie, avant qu’ils eussent été déposés dans un cercueil.

Comme Trim arrivait au couvent des Ursulines, le coronaire revenait de l’enquête, suivi de ceux qui l’avaient accompagné. Le maître d’équipage du Zéphyr, en voyant Trim tout essoufflé, nu-tête, car il avait oublié sa casquette, le regard égaré, la bouche ouverte, eut pitié de lui, et lui adressant la parole avec douceur :

— Mon cher Trim, lui dit-il, tu feras mieux de revenir avec nous ; à quoi te servira de voir le cadavre de ton pauvre maître ? c’est un triste spectacle ! Viens avec nous, viens !

Trim baissa la tête, une grosse larme tomba de son œil et roula sur sa joue ; il ne répondit pas.

— Tu ne dis rien, Trim, continua le maître d’équipage, en le touchant sur l’épaule ; écoute mon avis et n’attend pas que le corps de notre bien aimé capitaine soit arrivé. Sa vue pourrait te causer bien du mal.

Trim se jeta à genoux et éclata en sanglots. Je veux voir mon maître et mourir ! murmura-t-il ; laissez-moi rester.

Le maître d’équipage, voyant qu’il était inutile de songer à amener Trim, prit avec les autres le chemin de la ville.

Bientôt apparut sur le fleuve la pirogue dans laquelle deux nègres amenaient les restes inanimés du noyé. Quand l’embarcation toucha au rivage, Trim, en voyant le cadavre, lâcha un cri déchirant et se précipita dessus, en l’étreignant dans ses bras comme s’il eut été en vie, et couvrant de baisers