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DEUX DE TROUVÉES

la douane d’où ils sont repartis pour leur navire. Depuis ce temps on ne sait plus rien.

— Il ne serait pas mauvais, tout d’même, de veiller cette nuit sur leurs mouvements.

— Ils sont suspects, je sais que ce matin un caboteur ayant voulu approcher du navire avec son squif chargé d’oranges, un gros nègre armé d’une immense fourchette de cuisine lui a crié que, s’il ne s’en allait pas de suite, il tirerait sur lui à coup de carabine. Le caboteur dit qu’il croit avoir aperçu sur l’un des plis du pavillon, que nous voyons roulé et attaché à mi-mât, une tête de mort avec deux os en croix. — C’est un pirate, prenons garde.

— Je suis de votre avis.

Ces deux personnes se séparèrent pour aller rapporter dans leurs familles les conjectures qu’elles avaient faites, sur le compte du prétendu pirate. Avant la nuit toute la ville était en rumeur. Plus d’une jeune signora passa une partie de la nuit agenouillée aux pieds de sa Madone ; plus d’une vieille fille s’effraya des excès que l’on devait s’attendre à voir commettre par ces bandits, si les autorités ne doublaient pas les gardes. Et pourtant les autorités ne doublèrent pas les gardes, et la nuit se passa comme les autres sans désordres ; et les vieilles et les jeunes filles se levèrent le lendemain matin comme à l’ordinaire, les yeux pourtant un peu caves et les joues un peu blêmes de peur et d’insomnie.

Quoique les frayeurs de ces bonnes gens ne fussent nullement fondées à l’endroit du joli brick qui balançait si coquettement ses mâtures effilées, il faut aussi leur rendre cette justice de dire que quelques semaines auparavant on avait signalé dans ces para-