Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
UNE DE PERDUE

La vieille Coco, avec ses deux yeux ronds et gris, parcourut d’un regard rapide les deux rives du fleuve.

— Il n’y a pas un chat pour nous voir ; ne perdons pas de temps, en avant et à l’œuvre !

Ils approchèrent avec précaution, écartèrent les joncs, et découvrirent le cadavre d’un noyé. Les carancros avaient arraché les yeux de leurs orbites, et la langue de la bouche ; le nez, les joues et toutes les chairs de la figure avaient été horriblement mutilés par ces voraces et immondes animaux. Il était absolument impossible de reconnaître aucun trait de la figure.

Quand Pluchon et la mère Coco eurent terminé leur examen, celle-ci se retournant vers Pluchon :

— Eh bien ! lui dit-elle, êtes-vous satisfait de votre examen ? reconnaissez-vous ce cadavre ? et que voulez-vous faire maintenant ?

— Oui, mère Coco, oui, je suis satisfait. Je ne sais pas quel est ce noyé, je ne m’en soucie guère. — Tout ce que nous avons à faire maintenant, le voici en deux mots : « Vous prendrez tous les vêtements, papiers et bijoux du monsieur qui est dans votre cachot, et vous habillerez ce cadavre. Quant à son argent, ça vous appartient, comme dépouilles de guerre. Surtout, remarquez bien, il faut que la toilette de ce noyé soit faite cette nuit, afin qu’il soit décemment vêtu, pour comparaître demain matin pardevant son honneur monsieur le coronaire. »

— Mais, monsieur Pluchon, ce n’est pas une petite affaire que vous nous proposez-là.

— Allons donc, mère Coco, est-ce que par hasard vous y trouveriez d’insurmontables difficultés ? tenez