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DEUX DE TROUVÉES

attendu pour prendre le thé. Le Juge et le Docteur se connaissaient depuis longtemps, quoiqu’il n’y eut pas d’intimité entre ces deux hommes si différents et dans leurs mœurs et dans leur caractère. L’un était aussi franc et ouvert que l’autre était fourbe et hypocrite. Le premier n’eut voulu pour rien au monde faire tort à son prochain, le second ne se faisait aucun scrupule de flétrir l’innocent pour le dépouiller ensuite, et tous les moyens lui étaient bons pourvu qu’il pût parvenir à son but sans se compromettre. Tous deux intelligents et d’un esprit supérieur, tous deux jugeant les autres d’après leur propre cœur, devaient en venir à des conclusions bien différentes l’un de l’autre. Tels étaient les deux hommes qui allaient prendre le thé ensemble et causer. Le juge ne désirait la visite du docteur que comme un passe-temps agréable, celui-ci en espérait un résultat important.

— Et comment vous portez-vous ; mon cher docteur ? dit le juge en allant au-devant de ce dernier ; il y a un siècle que l’on ne vous a vu ; vous devenez rare, rare comme le beau temps.

— Je me porte très-bien, je vous remercie ; et vous-même, comment est votre santé ? Madame est bien, j’espère ?

— Mais oui, elle est partie pour la campagne depuis hier, et je ne pense pas qu’elle revienne de quelques semaines ; elle est allée chez une de ses tantes à la paroisse St. Martin. Quant à moi, je suis à merveille ; il me semble que je rajeunis ; — mais vous, docteur, vous ne rajeunissez pas !

— J’ai pourtant bonne santé, bon sommeil, bon appétit.