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DEUX DE TROUVÉES

elle s’élança au galop, montée sur une blanche cavale, qui avait été nourrie dans les grasses prairies de l’Andalousie. Elle ne suivait aucune route choisie, elle n’avait aucun but dans sa course à cheval, elle ne voulait que de l’excitation, de l’air, le grand air pour respirer à l’aise et secouer la mélancolie qui l’accablait. Déjà elle a quitté loin derrière elle la ville et ses faubourgs ; sa blanche cavale bondit à travers les champs. Soit hasard, soit instinct, la cavale court dans la direction de la Campagna, l’habitation de l’étranger. Serait-ce que la campagne est plus belle dans cette direction ? Serait-ce que le parfum des orangers en fleurs est plus odorant de ces côtés ? Nous ne le savons pas. Peut-être que la jeune fille ne le pensait pas non plus. Toujours est-il que déjà sur un côteau dans la distance, commençait à apparaître la blanche toiture des cases des nègres de la plantation ; plus loin on aperçoit la maison de l’économe ; plus loin encore on distingue, à travers un massif de palmiers et d’orangers, la splendide demeure du propriétaire de la Campagna, avec ses petites tourelles à l’antique et sa façade de marbre blanc. Déjà la longue avenue, qui conduit de la grande route à la Campagna, se déroule à ses yeux comme un immense éventail dont les fanons vont en se rapprochant, jusqu’à ce qu’ils se réunissent aux deux pignons de la maison qui lui sert de base.

Elle regarde, et s’étonne de se voir rendue si loin de la ville et si près de cette demeure. Elle n’avait pas remarqué la route que sa cavale avait suivie, et dans la confusion de ses pensées, loin d’avoir cherché à réprimer la course vagabonde de sa monture, elle l’avait excitée de sa fine et souple cravache, à la