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J’enfonce mon chapeau, je souris… et je passe !
D’instinct l’homme est méchant : vouloir s’en faire aimer
Autant jeter au loin, au hasard, dans l’espace,
Le bon grain qui ne peut germer !

Dire à tous : « Aimez-vous toujours les uns les Autres ! »
Prêcher la Loi d’Amour… mais Jésus le tenta :
Insulté, renié, même par ses Apôtres,
Il mourut sur le Golgotha !

Ce qu’un Dieu ne fit pas quel homme peut le faire
Qui peut vaincre l’Envie et l’âpre Trahison ?
J’ai lutté soixante ans sans pouvoir m’en défaire
Ni les chasser de ma maison !

Et maintenant que, vieux, attendant que je meure,
J’espérais, vivant seul, vivre enfin sans émoi :
Je les entends encor ramper dans ma demeure,
Prêtes à s’élancer sur moi !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Mais, en mes jours de deuil, des secondes de joie
Viennent rasséréner mon pauvre cœur amer :
Je contemple, le soir, quand l’horizon rougeoie,
Tomber le soleil dans la Mer :

Ou bien, quand un enfant passe devant ma porte,
Je lui tends un jouet fait avec mon couteau ;
Et le beau chérubin, tout radieux, emporte
Sa toupie ou bien son bateau.