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BONHEUR MANQUÉ




Quand je quittai les paysans
Qui veillaient sur mes premiers ans
Dans une bourgade endormie,
Je ne pleurai pas les bons vieux
Mais Lison, l’enfant aux beaux yeux
Que j’appelais « ma bonne amie ! »

Je l’emmenai, le dernier soir,
À travers les champs de blé noir
Promener, dans le clair de lune,
Et lui jurai dans un baiser,
De m’en revenir l’épouser
Quand j’aurais trouvé la Fortune !

Mais, à la chercher, comme un fou,
De ci, de là… je ne sais où,
Mon existence s’est passée ;
Et ce n’est que de loin en loin
Que je songeais au petit coin
Où m’ « espérait » ma fiancée.

Enfin, par un beau jour d’été
Vieilli sans m’en être douté,
Je revins dans notre village :
Une petite fille en deuil
Jouait au soleil sur un seuil,
Près d’une vieille au doux visage.