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près semblable, ce grand Dieu avait préparé un charme innocent au roi d’Angleterre dans les agréments infinis de la reine son épouse. Comme elle possédait son affection (car les nuages qui avaient paru au commencement furent bientôt dissipés) et que son heureuse fécondité redoublait tous les jours les sacrés liens de leur amour mutuelle, sans commettre l’autorité du roi son seigneur, elle employait son crédit à procurer un peu de repos aux catholiques accablés. Dès l’âge de quinze ans elle fut capable de ces soins ; et seize années d’une prospérité accomplie, qui coulèrent sans interruption, avec l’admiration de toute la terre, furent seize années de douceur pour cette Eglise affligée. Le crédit de la reine obtint aux catholiques ce bonheur singulier et presque incroyable, d’être gouvernés successivement par trois nonces apostoliques qui leur apportaient les consolations que reçoivent les enfants de Dieu de la communication avec le Saint-Siège. Le pape saint Grégoire, écrivant au pieux empereur Maurice, lui représente en ces termes les devoirs des rois chrétiens : Sachez, ô grand Empereur, que la souveraine puissance vous est accordée d’en haut afin que la vertu soit aidée, que les voies du Ciel soient élargies et que l’empire de la terre serve l’empire du Ciel. C’est la vérité elle-même qui lui a dicté ces belles paroles. Car qu’y a-t-il de plus convenable à la puissance que de secourir la vertu ? à quoi la force doit-elle servir, qu’à défendre la raison ? et pourquoi commandent les hommes, si ce n’est pour faire que Dieu soit obéi ? Mais surtout il faut remarquer l’obligation si glorieuse, que ce grand Pape impose aux princes, d’élargir les voies du Ciel. Jésus-Christ a dit dans son Evangile : « Combien est étroit le chemin qui mène à la vie ! », et voici ce qui le rend si étroit. C’est que le juste, sévère à lui-même et persécuteur irréconciliable de ses propres passions, se trouve encore persécuté par les injustes passions des autres, et ne peut pas même obtenir que le monde le laisse en repos dans ce sentier solitaire et rude où il grimpe plutôt qu’il ne marche. Accourez, dit saint Grégoire, puissances du siècle ; voyez dans quel sentier la vertu chemine, doublement à l’étroit, et par elle-même et par l’effort de ceux qui la persécutent ; secourez-la, tendez-lui la main ; puisque vous la voyez déjà fatiguée du combat qu’elle soutient au dedans contre tant de tentations qui accablent la nature humaine, mettez-la du moins à couvert des insultes du dehors. Ainsi vous élargirez un peu les voies du Ciel, et rétablirez ce chemin,