Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
GILLES DE RAIS.

selon le dessein de Georges de la Trémoille : loin de là, au contraire. Lorsque les courtisans échouent à Bray-

    écrit, de Reims, le jour même du sacre, à la belle-mère et à la femme du roi de France. Certainement, les auteurs de cette lettre n’écrivaient pas à ces princesses sans en avoir reçu l’ordre ou la commission spéciale, et l’on ne mande rien à de telles personnes que l’on ne sache parfaitement. Il est vrai que le fait, dont il s’agit, ne se trouve pas dans l’Histoire généalogique du P. Anselme, qui atteste, au contraire, sur l’autorité des comptes de cette année, que Rais était maréchal dès le 21 juin 1429. Mais M. Quicherat répond très justement sur ce point, que les comptes n’ayant été rendus qu’à la fin de septembre, on conçoit qu’on ait appliqué au maréchal de Rais, pendant toute la durée « de l’exercice 1428-1429 le titre, qui lui fut accordé seulement dans les derniers mois de cet exercice.» L’auteur des comptes y désigne naturellement Gilles de Rais par le titre qu’on lui donnait au moment où il écrivait ; et il en faut dire autant des historiens qui lui donnent constamment ce titre avant le jour du sacre. Cet exemple n’est pas rare dans l’histoire des hommes célèbres : il est tel héros qui prend ainsi, dès son berceau, le nom dont furent illustrées ses dernières années. Rien ne détruit donc la valeur historique qu’il faut reconnaître au témoignage des trois gentilshommes angevins. Ainsi ont sagement pensé, entre autres, Maurice de Sourdeval, Vallet de Viriville, et enfin M. Wallon, dans son Histoire de Jeanne d’Arc.

    Un point, sur lequel tous les auteurs sont d’accord, est la mission que Gilles reçut de Charles VII d’aller chercher et de reconduire à l’abbaye Saint-Rémi, la Sainte Ampoule destinée au sacre des rois de France *. Sur ce fait, les preuves sont non moins abondantes qu’authentiques. C’est Jean Chartier, c’est le Journal du siège, c’est enfin la Lettre des trois seigneurs angevins, qui l’affirment en nous fournissant même les détails précis de cette ambassade. On sait que la Sainte Ampoule, qu’une tradition nous apprend avoir été apportée miraculeusement du ciel par une colombe à saint Rémi au moment du sacre de Clovis converti, était gardée avec soin, avant la Révolution Française, dans l’abbaye de Saint-Rémi. Pour le sacre des rois, on allait la chercher solennellement pour l’apporter jusqu’à la cathédrale, d’où on la ramenait ensuite à l’abbaye avec le même appareil. Charles VII, dans la circonstance, députa pour aller la chercher et la reconduire le nouveau maréchal de Rais et avec lui le maréchal de Boussac, l’amiral Louis de Culan, et le sire de Graville, maître des arbalétriers. Vers huit heures du matin, ils partirent à cheval, chacun tenant dans sa main sa bannière déployée au vent, armés de toutes pièces, magnifiquement habillés, et bien accompagnés pour former à la Sainte Ampoule une escorte digne d’elle. Arrivés à l’abbaye, ils firent à l’abbé les serments d’usage, c’est-à-dire, qu’ils promirent solennellement de conduire sûrement la Sainte Ampoule et de, la ramener de même à Saint-Rémi ; puis l’abbé, ayant pris dans ses mains la précieuse relique, revêtu de ses habits pontificaux, recouvert d’un riche parement d’or, monta sur un cheval superbe que le roi, suivant l’usage, lui avait envoyé la veille. À ses côtés marchaient les quatre seigneurs députés vers lui. Le retour eut lieu avec le même appareil.

    Les honneurs dont Gilles fut l’objet dans cette grande journée furent complétés au mois de septembre 1429, à Sully-sur-Loire, par lettres-patentes de