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GILLES DE RAIS.

complètement dans l’erreur. L’auteur s’est laissé entraîner par son animosité contre Georges de la Trémoille. Sans doute le favori a pu, a dû même faire servir le jeune baron de Rais à ses projets ; mais si Gilles était puissant, il était indépendant ; s’il était valeureux, il était inconsidéré ; s’il était plein d’ambition, il était accessible à l’enthousiasme, que donne le merveilleux, surtout le merveilleux qui se manifeste par le succès ; c’était plus qu’il n’en fallait au favori défiant pour ne pas se confier, en des choses aussi graves, au jeune baron de Rais[1]. » Et s’appuyant sur ces raisons, le savant archiviste appelle Gilles quelque part dans ses œuvres « le valeureux et fidèle compagnon de Jeanne d’Arc. » Il y a d’autres raisons encore qu’il n’a pas étudiées peut-être avec autant de soin que nous, qui avons cherché à pénétrer toutes les parties obscures de cette histoire. Il serait trop long de les mettre au détail devant les yeux du lecteur ; mais il faut les réunir toutes dans un même faisceau : la clarté qui s’échappera de cet ensemble est formé de la clarté de chacune, et placée sous ses rayons, la figure de Gilles en deviendra plus lumineuse : cette figure n’est pas une figure de traître.

Que Jeanne d’Arc ait été en butte aux tracasseries et aux sourdes menées de Regnault de Chartres et de Georges de la Trémoille, rien n’est plus manifeste[2] ; qu’elle ait été livrée, sous les murs de Compiègne, par Guillaume de Flavy, leur âme damnée, le fait est plausible ; à tout le moins Flavy ne se montra pas assez soucieux de la personne de Jeanne et de sa liberté[3] ; mais que Gilles de Rais ait été auprès de la Pucelle l’homme du duc de la Trémoille, malgré le peu de sympathie que nous inspire le triste héros

  1. Nous avons recueilli ces paroles de la bouche même de M. Marchegay.
  2. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, II, p. 169-170 ; Procès, t. V, p. 168-71. — Wallon, I, p. 337 ; II, p. 8, 9, 299, et surtout 300, 301, 302, 307, 308.
  3. Wallon, I, Appendice, LIV.