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LES JEUNES FILLES DE PLÉEUR.

procède auprès des jeunes filles de Pléeur, l’aveu de leur tristesse, l’intervention résolue de Jean de Malestroit pour les venger, tout cela ne permet pas de douter que l’auteur ne fût au courant de l’histoire. L’enlèvement des jeunes filles et des jeunes garçons, qui avait causé un effroi si profond, si durable dans le pays de Rais et d’alentour, n’est-il pas rappelé par la mort de la gentille Gwennola ? Remarquons, en effet, qu’elle n’y est pas présentée comme épouse de Barbe-Bleue et qu’elle ne pouvait pas l’être : elle n’était, comme ses compagnes désolées, qu’une pauvre enfant du pauvre peuple, une des serves de la baronnie de Rais, qui appartenaient corps et âme au sire de Barbe-Bleue ; à qui enfin il n’était pas même permis de fuir. Mais notons surtout qu’il n’y a rien de commun entre cette complainte et le conte de Perrault. En même temps que de Gilles de Rais, c’est bien de Barbe-Bleue cependant qu’il s’agit. Fait très important, qui prouve deux choses : d’abord qu’il ne courait pas sur Barbe-Bleue que l’histoire de ses sept femmes, et que cette complainte est l’une de ces inventions populaires, si nombreuses, comme nous l’avons dit, et parmi lesquelles Perrault a choisi la sienne qu’il a immortalisée par son talent ; ensuite que Barbe-Bleue n’est pas uniquement, pour le peuple breton, un méchant homme qui a tué ses femmes, mais encore, d’une manière plus générale, un seigneur méchant, l’effroi des peuples, en un mot, Gilles de Rais, dont la cruauté envers les femmes qu’on lui donne n’est qu’un trait particulier de sa perversité. L’auteur, savant dans l’histoire, ne l’était pas moins dans les traditions de son pays.

Mais voici une légende plus précise encore ; car elle nous donne l’origine même de la barbe bleue, et toujours de la barbe bleue de Gilles de Rais. Par l’intérêt dramatique, elle n’est pas indigne de figurer auprès du conte de Charles Perrault. La voici dans sa simplicité naïve : « Las de guerroyer contre les Anglais, messire Gilles de Laval s’était retiré dans son château de Rais, entre Elven et Questembert. Tout son temps s’écoulait « en liesse, festins et joyeusetés. » Un