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LA LÉGENDE DE SAINTE TRIPHINE.

songé à faire un rapprochement entre le conte et la légende, si l’on n’avait découvert dans une chapelle du Morbihan, il y a quelques années, des peintures à fresques, qui représentent l’histoire de sainte Triphine et qui ont paru se rapporter à Barbe-Bleue[1].

« De curieuses fresques du style du xiiie ou du xve siècle, dit-on (car le principal tenant de cette opinion, M. Armand Guéraud, n’est pas bien sûr lui-même de la date précise de leur origine), remises au jour en 1850, à la voûte de la chapelle de Saint-Nicolas, près Bieuzy (Morbihan), retracent des scènes, qui, sauf la résurrection de sainte Triphine, offrent une complète analogie avec celles du conte et concordent, quant au fond, avec ce qu’Albert le Grand et D. Lobineau avancent dans la vie de saint Gildas. » On voit, dans un premier compartiment, la sainte épouser un seigneur breton ; un second nous montre le seigneur prêt à quitter son château et remettant à sa femme une petite clef. Les peintures qui suivent représentent l’épouse au moment où elle pénètre dans le cabinet, où sept femmes sont pendues ; puis vient l’interrogatoire que lui fait subir son mari, qui la regarde d’un air menaçant ; on la voit plus loin en prière, appelant sa sœur qui se tient à une petite fenêtre ; dans le dernier tableau, enfin, l’époux barbare pend sa femme infortunée ; mais les frères de la victime accourent avec saint Gildas, qui ressuscite la sainte.

Voilà bien, il faut l’avouer, le conte de Barbe-Bleue : mais y reconnaît-on la légende de sainte Triphine ? Que l’on compare à loisir ces fresques et la légende : sont-elles plus semblables que l’histoire réelle de Gilles de Rais et le conte de Barbe-Bleue ? et la critique qui s’efforce de nier que Gilles soit le type du terrible héros, sous prétexte qu’il existe entre eux des différences, est-elle plus fondée à le trouver dans Cômor, avec lequel ce même héros a si peu

  1. Écho du Morbihan du 19 janvier 1850, et Bulletin archéol. de l’Association bretonne, 1850, 2e vol., p. 133.