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GILLES DE RAIS, BARBE-BLEUE.

conte populaire, en a mis sept à mort : curieux détail qui se retrouve dans toutes les imaginations et qui ne peut venir que d’une version ancienne, antérieure au xviie siècle. Si l’on ne consultait que le nombre des femmes égorgées, quel rang faudrait-il donner au sultan des Mille et une Nuits parmi les ancêtres de Barbe-Bleue ? Le Barbe-Bleue que les frères Grimm avaient admis dans la première édition des Contes des Enfants et du Foyer était si manifestement le même que celui de Perrault, qu’ils l’ont retranché à la seconde. Que sert-il de le confondre encore avec l’Oisel emplumé, des mêmes auteurs, que l’on retrouve « fantastique, horrible et puéril à la fois, dans un conte des Highlands, la Veuve et ses Filles, traduit de Campbell, par M. Loys Brueyre, et dans un conte italien, le Roi des Assassins[1] ? »

Ces deux derniers ressemblent, sauf quelques détails, au conte des frères Grimm, et celui-ci a lui-même des traits d’analogie évidente avec le conte de Perrault. Seulement le terrible seigneur est remplacé par un vilain sorcier, pauvre hère et méchant diable, qui va mendiant de porte en porte, mais qui reçoit moins de morceaux de pain qu’il n’enlève de jeunes filles. Toutefois, que ne manque-t-il pas à ce sorcier pour être un Barbe-Bleue ? De barbe ? il n’en est pas question : la clef ne joue qu’un rôle secondaire : c’est un œuf, dans le conte allemand ; c’est un chat, dans le conte écossais ; c’est un chien, dans le conte italien, qui jouent le rôle de dénonciateur. Le conte français, dit-on, a répudié toutes les fantaisies où se joue l’imagination des peuples voisins ; il n’a conservé de la féerie que juste ce qu’il fallait pour que le récit ne perdît pas son caractère primitif. Mais qu’en sait-on ? et qui nous assure que ces trois contes remontent au delà de celui de Perrault ? Rien, absolument rien. On pourrait aller plus loin encore : on peut admettre que Perrault se soit servi, pour composer son petit drame, des récits allemand, écossais et italien, quoique nous soyons

  1. Mythologie zoologique. t. II. p. 36.