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SA FILLE.

tion d’une part, donation de l’autre. Était-ce la contre-partie de l’arrêt, qui avait été rendu par la cour de Nantes au profit du duc de Bretagne ? On est tenté de le croire. Cependant, il n’y est pas question de Marie de Rais ; et pourtant il n’était pas possible de la déposséder des biens paternels au profit de son époux. Car, outre que c’eût été une injustice criante, Prégent de Coétivy, en tout et toujours, n’agit qu’au nom de sa femme. C’est comme héritier de Gilles et non pas comme gratifié de ses biens, qu’il entreprend la réhabilitation du condamné ; c’est comme mari de la fille unique du maréchal, qu’il poursuit le rachat de ses domaines ou qu’il s’efforce de les faire rentrer en sa possession ; c’est au même titre enfin, qu’à la supplication du vidame de Chartres, de Catherine, sa belle-mère, et des autres parents de Gilles, il est nommé par Charles VII, le 13 août 1443, curateur de Marie de Rais, sa femme ; cet acte l’établit au « gouvernement, administration, poursuite et déffence des droitz, biens, procès, besongnes et négoces de ladite Marie, sa femme. » Les biens de Gilles ne furent donc pas véritablement donnés en propre à Prégent de Coétivy, comme l’indiquerait l’arrêt de confiscation cité plus haut. Mais l’auraient-ils été, que l’effet de cette donation fut complètement nul.

Ne nous étonnons pas d’ailleurs de ces contradictions ; elles sont si fréquentes en ces sortes de querelles, qu’il faut bien croire qu’elles étaient habituelles à cette époque. Tous les actes, émanés des chancelleries du temps, ne sortaient pas leur effet naturel. Dans un siècle où ces diverses chancelleries, comme les provinces auxquelles elles appartenaient, étaient presque indépendantes les unes des autres et où le pouvoir royal lui-même, limité dans son action, ne pouvait donner toujours une entière exécution à ses arrêts, l’historien rencontre une foule d’actes contradictoires, aussi peu effectifs que peu respectueusement acceptés. C’est, sans aucun doute, ce qui arriva pour les lettres de Charles VII, si manifestement contraires aux intérêts des ducs de Bretagne. C’est ce qui eut lieu encore, quelques mois plus tard,