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GILLES DE RAIS.

que tous les contrats de vente, passés au nom de Gilles de Rais, de droit étaient nuls et sans effets ; d’où l’on peut conclure peut-être sans trop de légèreté ni d’injustice que la dot de la jeune héritière, non moins que sa beauté, fut puissante sur les yeux et sur le cœur du cupide amiral. Il était loin de se douter alors, assurément, que la succession du maréchal de Rais donnerait lieu à des procès interminables, où se consumerait sa vie ; qui se prolongeraient bien au delà de sa mort, et dont les difficultés compliquées, inextricables, font le désespoir de l’historien. Le roi poussait peut-être aussi à cette union ; car c’était donner un rude jouteur pour antagoniste au duc de Bretagne, dont il redoutait la puissance et qui prétendait arrondir ses domaines par les importantes seigneuries d’Ingrandes et de Champtocé. Toujours est-il que la demande et les conditions du mariage furent faites par Jean Le Boursier, seigneur d’Esternay, chevalier et chambellan du roi[1], par actes authentiques du 24 mai et du 14 juin 1442. L’accord sur les conditions du mariage eut lieu le 14 juin entre Jean Le Boursier d’une part, et de l’autre, Jean de Vendôme, beau-père de Marie, Catherine, sa mère, et René de la Suze, son oncle paternel.

La première condition, celle qui parut la plus dure à Prégent de Coétivy, fut qu’il prendrait le nom, les armes et le cri de Rais[2] ; la seconde, que si des acquêts avaient lieu pendant le mariage, les héritiers de Prégent de Coétivy, à défaut d’héritiers naturels, n’en auraient que le tiers et que les deux autres reviendraient aux héritiers de Marie ; enfin, et pour parer aux événements imprévus de l’avenir, que si l’amiral venait à mourir avant sa femme, elle serait rendue à sa mère ou à son oncle René de la Suze, ou, s’ils étaient morts eux-mêmes, aux plus proches héritiers de Marie. Si dures que lui parurent ces conditions, Prégent de Coétivy

  1. Documents relatifs à Pr. de Coétivy, p. 47.
  2. Les armoiries de Prégent, qui avaient les mêmes émaux que celles de Rais étaient : « fascé d’or et de sable de six pièces. » V. plus bas les modifications apportées à cette clause.