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GILLES DE RAIS.

ennuis. Mais Catherine devait souffrir, à la pensée que l’unique bien qui lui restait de son premier amour, pouvait lui être ravi, par la volonté d’un père livré aux caprices d’un valet. Ce cher objet de sa tendresse ne lui fut pourtant pas enlevé : sa fille resta près d’elle ; ensemble elles passèrent les dernières années que vécut Gilles ; ensemble, elles assistèrent, témoins attristés, aux dernières péripéties de son procès et de sa mort[1].

Demeurées seules après le 26 octobre 1440, que deviendraient-elles ? Leur nom était souillé ; les biens de Gilles étaient aux mains des acquéreurs ; les lambeaux de leur immense fortune partout dispersés : pour défendre contre la convoitise le peu qui en restait encore, ou pour en recoudre ensemble les morceaux, qui prendrait en mains leurs intérêts ? Dans cette extrémité, Catherine résolut de se remarier au plus vite, de marier également sa fille et de se donner ainsi deux puissants protecteurs. La femme et la fille d’un criminel tel que Gilles de Rais aujourd’hui trouveraient difficilement un époux : chose curieuse ! il n’en fut pas ainsi à cette époque : deux ans ne s’étaient pas encore écoulés, qu’elles avaient épousé, Catherine de Thouars, en 1441, Jean de Vendôme, vidame de Chartres, deuxième du nom ; et Marie de Rais, le 14 juin 1442, Prégent de Coétivy, amiral de France. Jean II de Vendôme était fils de Robert de Vendôme et de Jeanne de Chartres et seigneur de Lassay, au pays du Maine. Sa femme lui apporta en mariage son riche patrimoine : Pouzauges, Chabanais, Confolens, Savenay, Grez-sur-Maine et d’autres domaines, dont le plus beau et le plus riche était la baronnie de Tiffauges. Ils moururent en ne laissant qu’un fils, unique héritier de leur fortune et de leur

  1. Quant à prétendre, comme d’autres, que Gilles respecta sa femme comme un chevalier du temps de Dunois respectait sa dame, c’est une assertion absolument fausse, à laquelle on peut opposer et le caractère de Gilles, et ses passions cruelles, et l’éloignement où il tenait tous ses parents, et les démarches enfin qu’ils firent contre lui et dont l’effet excita en lui tant de colères. — V. les Lettres patentes de Charles VII du 13 janvier 1446.