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GILLES DE RAIS.

Cette tentative de réhabilitation nous fournit néanmoins, pour la dernière fois, l’occasion de penser à Jeanne d’Arc, dont la réhabilitation viendra dix ou douze ans plus tard. Singulier contraste que ces deux vies ! Contraste plus curieux encore de leurs procès, de leur mort et de leur mémoire ! Quelle différence entre le grand seigneur et l’enfant du peuple, entre le maréchal et la jeune guerrière ! Partis l’un et l’autre, au début de leur jeunesse, des points opposés de la France, ils se rencontrent tous deux pour la défense de la patrie commune. Le jeune baron est donné comme guide à la jeune bergère, et, depuis Blois jusqu’à Paris, il ne la quitte pas un instant, aussi fidèle à sa cause qu’enthousiaste de sa mission. Mais Jeanne, soutenue par une force divine, porte dans les camps et sur les champs de bataille une vertu douce, angélique ; et Gilles de Rais est déjà en proie à toutes les agitations mauvaises de sa dure et ambitieuse nature. À dix années de distance, ils tombent tous deux entre les mains de la justice humaine ; tous deux sont accusés de magie et de sorcellerie. Tout le monde a lu le lamentable récit du procès de la Pucelle ; nous l’avons rapproché du procès du maréchal de Rais : celui de Gilles ne réveille dans l’âme que l’horreur, tempérée cependant par un sentiment plus doux inspiré par son repentir ; celui de Jeanne tire du cœur des larmes d’une tristesse mêlée d’indignation. Noble, froide et touchante devant ses juges iniques, toujours virginale et pudique, elle use tous les obstacles par sa patience héroïque et déjoue toutes les ruses par son ingénuité pleine de finesse ; elle est chaste et laisse échapper de toute sa personne le pur parfum d’une fleur qu’aucune main n’a souillée, cueillie sur le bord des eaux limpides ; elle présente un front d’ivoire, pâle, mais calme toujours, même au milieu des flammes ; douce chrétienne, elle expire en pardonnant, les yeux fixés sur son maître, mort comme elle pour une grande expiation, comme lui innocente des crimes que lui impute une faction vaincue, mal déguisée sous le faux manteau de l’Église ; convertissant ses bourreaux et arrachant aux spec-