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ESSAI DE RÉHABILITATION

d’appel[1]. Le même jour, des lettres patentes, adressées aux officiers plus haut désignés, leur disaient : « Et pour ce que depuis ledit appel, en hayne et contemps d’iceluy, l’en dit ledit feu Gilles, seigneur de Rais, avoit esté fait mourir indeuement, et plusieurs autres attemptaz avoir esté fait ; informez vous bien, diligemment et secrétement de et sur ladicte mort et attemptaz dont les cas vous seront baillez en escript par déclaracion plus à plain, se mestier est ; et ceulx que par informacion faicte ou à faire, fame publique ou véhémente présumpcion, vous en trouverez coulpables ou véhémentement soupçonnez, adjournez ou faites adjourner audict jour ou autre certain de nostredict Parlement. » Ni le mois ni le jour de la citation n’ont été désignés ; ils sont restés en blanc dans l’original.

De folie, nulle part : des plaintes d’injustice, des accusations de haine, des violations de droit : voilà ce que signalent les lettres royales. En les lisant, on se demanda avec surprise si Marie de Rais et Prégent de Coétivy, trois années seulement après la mort de Gilles, ont osé vraiment entreprendre la réhabilitation de sa mémoire. Le crime n’avait-il pas été assez clairement prouvé ? Avait-il manqué quelque chose aux dépositions des témoins ? Les aveux des complices n’avaient-ils pas été assez solennels ? La confession de Gilles lui-même, enfin, avait-elle laissé quelque ombre planer sur sa vie de débauches et d’infamies ? Sa mort n’avait-elle pas eu lieu, comme son procès, sous les yeux d’une immense foule, aux portes d’une grande ville ? Ni les débats n’avaient été secrets, ni les documents de la justice n’avaient été déchirés ou jetés au feu : les juges, les témoins, les parents des victimes, plusieurs complices même vivaient encore : comment osa-t-on s’élever en faux contre tant de preuves ? Certes l’accusation portée contre le duc, Pierre d’Hospital et les autres officiers de la justice ducale, était grave, et il ne fallait pas moins que les témoi-

  1. « Lettres d’adjornement en cas d’appel [du procès du mareschal Gilles de Rays] adroissante [au duc de Bretagne]. » Original en parchemin jadis scellé sur queue simple, tiré du chartrier de Thouars.