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APRÈS LA MORT.

ment lui-même ; preuve qu’il était déjà en ruine dès cette époque [1]. Les restes nous ont été conservés par la lithographie dans les Archives curieuses de Nantes, de Verger [2]. Un examen attentif des restes qui subsistent encore, porte à croire que, dans la suite des temps, le calvaire primitif était devenu, non une chapelle, comme on l’a quelquefois supposé, mais la base ornée de trois niches à dais d’un calvaire expiatoire érigé au xve siècle, époque à laquelle la Bretagne éleva beaucoup de monuments du même genre et du même style. Depuis longtemps d’ailleurs, les habitants de l’ouest ont la pieuse habitude d’ériger des croix aux lieux marqués par quelque grand crime ou quelque grand malheur. Le lieu, où fut construit ce monument, devint un endroit de pèlerinage très fréquenté des nourrices et des mères, qui, jusqu’à la Révolution, venaient y prier la Bonne Vierge de Crée-Lait. Ce calvaire a complètement disparu aujourd’hui : élevé sur la chaussée de la Madeleine, à côté de l’ancienne école Sainte-Anne, il a été abattu avec tous les édifices voisins pour faire place à l’Hôtel-Dieu : un seul fragment en est conservé au Musée archéologique de Nantes.

Des choses qui rappellent la mémoire de Gilles de Rais, une seule, la plus importante et la plus célèbre, subsiste complète aujourd’hui, telle que la justice l’a dressée : plus durable que l’airain, elle atteste tout ensemble et le crime et le châtiment. Depuis le jour, où, justement préoccupée de leurs excès, l’Église s’arma de toutes ses foudres pour les frapper, pareille victoire n’avait pas encore été remportée sur les sorciers et les sectateurs des sciences occultes. Combien fut heureuse cette victoire, le procès du maréchal de Rais le dit assez manifestement : il est malheureusement acquis à l’histoire, par ce document, que les évocateurs des démons, pour arriver à leurs fins détestables, employaient le meurtre et offraient des victimes humaines. Quand il n’y aurait pas, pour

  1. Hist. de Nantes, I, p. 539.
  2. In-4o , 1837, t. I.