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L’EXÉCUTION.

remerciez Dieu de vous avoir montré un signe manifeste de son amour, en ce qu’il a voulu que nous mourrions « en notre force et bonne mémoire, sans avoir souffert que soudainement nous fussions punis de nos maléfices ; aimez Dieu ; ayez un regret de vos crimes au point de ne pas craindre la mort de ce monde, qui n’est qu’un petit trépas sans lequel on ne peut voir Dieu en sa gloire. » Après de tels crimes à expier, cette assurance en l’avenir est peut-être ce qui surprend le plus dans une vie si étonnante. — « Que nous devons désirer, disait-il enfin, que nous devons désirer être hors de ce monde, où il n’y a que misère, pour aller en gloire perdurable : ensemble nous avons péché tous trois, mais incontinent que nos âmes seront séparées de nos corps, tous les trois nous entreverrons en gloire avec Dieu au paradis. Pour cette gloire du ciel, je vous en prie, ne faiblissez pas ; persévérez encore un peu : l’espace ne sera pas long désormais ; ne perdez pas cette gloire qui vous attend et qui ne vous manquera jamais. » Ainsi parlait cet homme quelques instants avant de mourir : à de telles paroles, si pleines d’espoir, de courage et d’émotion, je ne sais si je me trompe, il n’est pas de cœur si dur qui ne soit touché. Il tenait parole : après avoir été la cause de la mort de ses complices, il était, autant qu’il dépendait de lui, celle de leur salut.

Henriet et Poitou, avec des sentiments de vive contrition et de profonde douleur de leurs crimes, remercièrent Gilles, leur maître, des bons conseils et des avertissements qu’il leur donnait pour le salut de leurs âmes, l’assurant « qu’ils avaient la mort de ce monde bien agréable, pour le grand désir et confiance qu’ils avaient de la miséricorde de Dieu, et d’aller en paradis, avec leur maître ». « Mais faites pour vous-même, lui dirent-ils, ce que vous nous conseillez pour notre propre salut ! » — Les martyrs devaient ainsi converser entre eux en allant au supplice.

Après les avoir ainsi « enortés » et reçu leurs propres encouragements, Gilles, en présence de toute la foule attentive et émue, à la vue du duc de Bretagne et d’un « grand