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GILLES DE RAIS.

moins dans les formes, la clémence de la justice humaine en faveur du coupable. À Nantes, rien de semblable ne se passa. Le bras séculier n’avait-il pas déjà saisi sa proie ? pouvait-on, sans outrage pour la faiblesse et sans inhumanité, implorer, même dans la forme, la clémence des juges civils pour un homme souillé par de tels crimes ? Il n’y avait pas même lieu de prolonger plus longtemps les débats : la cause était déjà jugée ; car elle avait été suffisamment instruite sous les yeux mêmes et par les soins des juges séculiers : aussi, entre la dernière séance du tribunal ecclésiastique et la condamnation à mort par le tribunal civil, il ne s’écoula pas deux jours entiers.

En effet, parallèlement aux procédures ecclésiastiques, avaient marché l’enquête civile et l’instruction de la cause pour le compte du président de Bretagne. Plusieurs historiens, sans donner d’ailleurs de leurs paroles d’autres preuves que leurs affirmations et des probabilités, ont avancé que le duc de Bretagne, naguères encore protecteur si résolu de Gilles de Rais, fut particulièrement animé à sa perte. Mézeray dit en propres termes : « qu’il fut bien aise d’avoir sujet de venger son offense en vengeant celle de Dieu[1]. » Un autre va plus loin encore, puisqu’il affirme « qu’il fut d’autant plus ravi de frapper sur les Laval, que le roi venait d’ériger la baronnie de Laval en comté (1431), et que les Laval, issus des Montforts, avaient formé une opposition toute française, qui aboutit à livrer la Bretagne au roi, en 1488[2] ». Désormeaux enfin va jusqu’à dire : « Non seulement le duc de Bretagne, dont il était le lieutenant et le frère d’armes, l’abandonna : mais ce fut lui qui l’abandonna avec le plus de rigueur. Le maréchal, dans les ventes insensées qu’il avait faites de ses terres au duc, avait stipulé qu’elles lui seraient rendues pourvu qu’il remboursât la somme en six ans. Était-ce la crainte d’être remboursé ou l’horreur des excès de Rais qui excitait le

  1. Mézeray, Abrégé de l’Histoire de France.
  2. Michelet, Hist. de France, l. c.