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GILLES DE RAIS.

plaisirs, et je m’adonnais sans retenue au mal. » Là, s’adressant aux pères et aux mères qui étaient dans la foule : « Ô vous, leur dit-il très affectueusement, qui avez des enfants ; je vous en prie, instruisez-les dans les bonnes doctrines, dès leur enfance et leur jeunesse, et menez-les avec soin dans le sentier de la vertu. »

Quand il eut cessé de parler, on lui donna, à haute et intelligible voix, lecture des aveux qu’il avait faits la veille. Gilles, les ayant écoutés attentivement, voulut que le souvenir en restât dans la mémoire des hommes. Aussi, pour mieux les y graver, bien loin de rien retrancher aux choses qu’il avait dévoilées en secret, il voulut leur donner comme une nouvelle force en demandant que sa confession fût rendue publique en langue vulgaire. Parmi les assistants, en effet, qui se pressaient dans la salle du tribunal, la plupart ignoraient le latin, et son désir était qu’ils eussent connaissance de ses crimes : « Par ces aveux, dit-il en commençant ; par la déclaration que je veux faire ici des fautes dont je suis coupable ; par la honte qui monte à mon visage, j’espère obtenir plus facilement de Dieu grâce et rémission de mes péchés ; j’espère qu’ils seront plus facilement oubliés par sa miséricorde. Ma jeunesse entière s’est passée dans les délicatesses de la table ; marchant au gré de mes caprices, rien ne me fut sacré, et tout le mal que je pus faire, je l’accomplis : en lui je mettais toutes mes espérances, toutes mes pensées et tous mes soins ; tout ce qui était défendu, tout ce qui était déshonnête, m’attirait ; et, pour l’obtenir, il n’est moyens que je n’employais, si honteux qu’ils fussent. Pères et mères qui m’entendez, reprit-il encore une seconde fois, et vous tous, amis et parents de jeunes gens que vous aimez, quels qu’ils soient, je vous en prie, veillez sur eux : formez-les par les bonnes mœurs, les bons exemples et les saines doctrines ; nourrissez-en leurs cœurs et surtout ne craignez pas de les corriger de leurs défauts : car, élevés, hélas ! comme je l’ai été moi-même, ils pourraient peut-être glisser, comme moi, dans le même abîme ! »