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GILLES DE RAIS.

Ces lettres anéantissaient jusqu’aux dernières objections de Gilles de Rais. Elles furent lues et publiées en sa présence par les juges. Lorsque la lecture en fut achevée, Jean de Malestroit et Jean Blouyn demandèrent encore à l’accusé s’il avait quelque chose à dire sur ces lettres de pouvoir, et s’il voulait, par écrit ou de vive voix, en retrancher quelque chose ou leur opposer quelques raisons : « Non, a répondit Gilles avec hauteur. Sur cette réponse, les marques particulières, la signature, la suscription et le sceau des lettres de Guillaume Mérici furent mis sous les yeux de personnes dignes de foi, toujours en présence de Gilles de Rais, et les juges, après cette épreuve, les déclarèrent suffisamment reconnues et authentiques. Enfin, avant de se retirer, le promoteur demanda aux notaires plusieurs copies du procès-verbal, et la séance fut levée. Gilles, la colère dans le cœur, le dédain répandu dans tous les traits de sa figure et dans sa démarche, fut reconduit à la chambre qui lui avait été assignée comme prison ; la foule, tout émue encore par les sentiments divers qu’avaient excités en elle des débats si passionnés, se dispersa de plus en plus curieuse de ce que réservait l’avenir.

Tels furent les incidents de cette mémorable journée, qui tient une place si importante dans les procédures de cette cause. Gilles parut à tous les yeux avec une fierté hautaine et laissa échapper, par ses gestes et dans ses paroles, tous les signes de son caractère violent et emporté. Mais sous ce flot d’injures et de paroles grossières, dans ces appels réitérés, l’on devrait dire désespérés, à un tribunal supérieur, et sous ce masque d’innocence dont il cherche vainement à voiler ses crimes, un œil exercé pouvait entrevoir les troubles secrets de son âme et ses inquiétudes de l’avenir. Il s’était naturellement présenté à son esprit de se soustraire à la juridiction de juges, qu’il savait incorruptibles et qu’il devinait bien avoir pénétré tous les secrets de sa vie ténébreuse ; de faire traîner au moins le procès en longueur, pour permettre à la fortune, à l’argent, à l’influence et à l’amitié, à tous