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GILLES DE RAIS.

de parler ; ils l’interpellent par son nom à quatre fois diverses et le requièrent, sous peine d’excommunication, de répondre enfin aux différents articles de l’accusation, qui lui sont de nouveau exposés, lus et répétés en français. À toutes ces injonctions, à toutes ces menaces, mêmes refus, mêmes démentis, mêmes colères, même hauteur dans le langage : « Est-ce que je ne connais pas parfaitement la foi catholique ? s’écrie-t-il ; ceux qui m’accusent de l’avoir trahie, ignorent-ils donc qui je suis ? Je suis parfait chrétien et bon catholique. J’avoue et je confesse que si j’avais commis les crimes que l’on vient dénoncer contre moi, j’aurais directement été contre la foi catholique ; je m’en serais écarté ; je m’en écarterais encore : sur tous ces points-là, je ne prétends, en aucune façon, bénéficier d’une ignorance qui n’existe pas. » Quelques instants après, il ajoute : « Je ne veux être enchaîné par aucun privilège ecclésiastique ; et je m’étonne, dit-il en interpellant le chancelier de Bretagne, Pierre de l’Hospital, je m’étonne que vous, chancelier de Bretagne, vous laissiez des juges ecclésiastiques se mêler des crimes portés contre moi et que vous souffriez même que l’on m’accuse de telles infamies. » Dans cette lutte désespérée contre les étreintes du châtiment qui l’enlace de toutes parts, son intention est manifeste : il veut faire traîner les choses en longueur, employer son crédit, corrompre peut-être ses juges, tout au moins gagner du temps : un délai peut-être sera la vie. L’insensé ! auprès de juges si bien éclairés, par caractère et par devoir si indépendants, ses amis de la veille, il est vrai, alors que l’on ignorait encore ses crimes, mais aujourd’hui intègres représentants de la justice, il croit encore, par une dernière et folle illusion, que ses paroles et ses déclarations peuvent compter pour quelque chose. Mais l’espoir même de trouver plus de condescendance ou plus de faiblesse dans la justice séculière devait s’évanouir ; avec sa puissance, tout s’était écroulé, son crédit avec le reste : le chancelier de Bretagne lui répondit en affirmant la compétence du tribunal de l’évêque, et lui conseilla, s’il n’était pas