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L’ACCUSATION.

rances, épouvanté par l’énormité de l’accusation qui pèse sur lui de tout son poids, va se jeter sur les injures et se faire effrontément l’accusateur de ses juges. Cette tactique n’est pas inconnue de la justice, qui n’en est pas émue : elle prouve seulement que dans le coupable la sérénité des premiers jours a fait place au trouble et que la crainte a chassé l’assurance.

Cette séance mémorable eut lieu dans la grande chambre supérieure du château de la Tour-Neuve. Elle s’ouvrit en présence des juges et du promoteur ; parmi les assesseurs, qui étaient fort nombreux, on distinguait Jean Prégent, évêque de Saint-Brieuc, Pierre de l’Hospital, président de Bretagne, Robert de la Rivière, Guillaume de Grantboays, Jean Chauvin, Régnaud Godelin, licenciés ès lois, et Guillaume de Montigné, avocat à la cour séculière de Nantes ; autour d’eux enfin et dans toutes les parties de la vaste salle, une foule toujours croissante de témoins et de curieux, qu’attiraient, de la ville de Nantes et de tout le pays, la renommée de l’accusé, l’étrangeté de la cause et le récit des incidents, qui avaient marqué la séance du 8 octobre. La séance s’ouvrit à l’heure de tierce, à laquelle Gilles fit son entrée dans la salle, au milieu de ses gardes.

Toute la suite de l’affaire, depuis le mois de juillet jusqu’à ce jour ; les enquêtes secrètes faites au nom de l’autorité épiscopale, les dépositions des parties civiles, les procès-verbaux consignés dans les registres de l’évêché et les procès-verbaux des séances antérieures ; les interrogatoires, la composition du tribunal, ne formaient, à vrai dire, que l’instruction préalable du procès. Le jeudi, 14 octobre, en présence des juges réunis en séance, devant Gilles de Rais, devant la multitude accourue de toutes parts, le procès lui-même s’ouvrit solennellement par la lecture à haute voix de l’acte d’accusation. Cette lecture fut d’abord commencée par le promoteur, puis continuée par un aide, qui lui fut adjoint sur l’ordre du tribunal. Les divers articles de l’accusation avaient été rédigés avec soin par le promoteur lui-même ; et cette rédaction, sans aucun doute, ainsi que cela avait tou-