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LES PREMIÈRES SÉANCES.

Aussi, quand, de larmes fatigués, mais non pas rassasiés de vengeance, ils supplièrent les juges de prendre en main leur défense et d’apporter un prompt remède (celeriter) à de si grands maux, tous les assistants, émus jusques aux larmes, depuis longtemps étaient gagnés à leur cause ; la prière de ses infortunés était exaucée. D’ailleurs, les neuf témoins nantais, qui parurent dans cette circonstance[1], n’apprirent rien aux juges que ceux-ci ne savaient déjà : on se souvient, en effet, que la plupart d’entre eux ont déjà été nommés dans les lettres d’assignation du 13 septembre. Mais, au 28 septembre et devant le tribunal, leurs déclarations prenaient un caractère d’authenticité et d’importance qu’elles ne pouvaient avoir, faites en secret, même par-devant l’évêque de Nantes ou ses commissaires : voilà pourquoi ces dépositions avaient été renouvelées publiquement.

À ces réclamations pressantes contre le maréchal, les juges, très visiblement émus par les paroles, les malheurs et les larmes des témoins, déclarèrent hautement qu’ils ne pouvaient laisser de tels crimes impunis, et ils ordonnèrent à l’huissier, Robin Guillaumet, d’assigner aussitôt et définitivement Gilles de Rais à comparaître devant leur tribunal, le samedi suivant, 8 octobre, afin de répondre, en leur présence

  1. Les témoins étaient :

    1o Agathe, femme Denis de Le Mignon, de Sainte-Marie de Nantes : elle avait perdu son neveu, fils de Guillaume Avril, au mois d’octobre 1439 ;

    2o La veuve de Régnaud Donete, de Sainte-Marie de Nantes : elle avait perdu son fils à la saint Jean 1438 ;

    3o Jeanne, femme Guibelet Délit, de Saint-Denis de Nantes : elle avait perdu son fils pendant le Carême 1440 ;

    4o Jean Hubert et son épouse, de Saint-Vincent de Nantes : ils avaient perdu leur fils à la saint Martin 1438 ;

    5o Jeanne, femme de Jean Darel, de Saint-Similien, près de Nantes : elle avait perdu son fils à la saint Pierre 1439 ;

    6o La veuve d’Yvon Kerguen, tailleur de pierre, de Sainte-Croix de Nantes : elle avait perdu son fils entre Pâques et l’Ascension 1440 ;

    7o Théophanie, femme Éonnet Le Charpentier, boucher, de Saint-Clément, près de Nantes : elle avait perdu, en 1438, son neveu, fils de Éonnet Dagaie ;

    8o La femme de Pierre Couperie, qui avait perdu ses deux fils, l’un de huit ans, l’autre de neuf ans ;

    9o Jean Maguet, qui avait perdu son fils.