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LES DOCUMENTS.

de la cause ; il y a dans le récit des crimes et des débats tant de marques de sincérité ; les faits ont été mis dans une telle lumière, exposés aux yeux d’une foule si nombreuse ; le caractère des personnes mêlées aux procédures est si respectable ; la famille de l’accusé était si intéressée à ne pas laisser triompher le mensonge, que l’on ne peut pas plus douter de la véracité des scribes que de l’authenticité de leur œuvre. Rien, dans toutes les formes requises par le droit et la jurisprudence alors en vigueur, n’a manqué à ce procès.

Dans une semblable cause, il fallait mettre au jour les antécédents de l’accusé et ouvrir une enquête sur sa réputation parmi les populations, ses victimes : cette enquête avait été faite, et rien n’avait manqué, ni en prudence, ni en activité, dans ces démarches nécessaires. Prévenue par des autorités très graves avant l’arrestation du maréchal, la cause fut plus appuyée encore durant le cours des débats : les preuves se multiplièrent, palpables comme le fer, évidentes comme la clarté du jour ; la vérité enfin s’était illuminée aux aveux de Gilles et de ses complices. Bien plus, et comme pour couper court à toute objection, l’abandon où fut laissé le coupable ne permet pas même d’élever un soupçon sur ce point. Riche et puissant comme il l’était, maréchal de France, conseiller de Charles VII, ami de Jean V, duc de Bretagne, ami de Richemont, si fidèle aux siens, si jaloux de la justice, on ne peut croire, qu’innocent, tant de titres à la protection du pouvoir civil ne l’eussent pas défendu ; on ne peut croire que sa famille, déshonorée par la honte de sa vie et de sa mort, n’aurait rien fait pour le sauver du supplice. Aurait-elle été impuissante à éteindre les flammes du bûcher, elle eût plutôt, après sa mort, pour venger son innocence, vendu jusqu’au dernier lambeau de terre qui fût resté des prodigalités de Gilles ; et ce n’eût pas été acheter trop cher la réparation de l’honneur souillé par le souvenir d’une pareille condamnation. Monstrelet a dit de sa mort : « Pour la mort dudit seigneur de Rais, grand’partie de nobles dudit pays de Bretagne, et espécialement ceux de