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GILLES DE RAIS.

sant contre un grand de Bretagne, de se mettre à l’abri sous le manteau de l’Église. Faut-il admettre, avec plusieurs historiens, qu’à son cœur la crainte et l’avarice aient parlé plus haut que l’évêque, le peuple et la justice ? Michelet a dit : « Le duc de Bretagne accueillit l’accusation ; il fut ravi de frapper sur un Laval » ; et, en note, l’historien ajoute : « d’autant plus, sans doute, que le roi venait d’ériger la baronnie de Laval en comté (1431). Ces Laval, issus des Montforts, formèrent contre eux une opposition toute française et finirent par livrer la Bretagne au roi en 1488[1]. » Il est certain, du moins, que l’évêque, assuré enfin que le pouvoir civil lui prêterait son concours et n’ayant plus à craindre d’entraves de la part d’une puissance, qui en avait mis jusque-là aux décrets du roi de France lui-même, se décida, tout étant préparé pour l’arrestation de Gilles et l’examen de la cause, à lancer contre le redoutable maréchal ce mandat d’amener, dont il vient d’être question.

Cet acte d’autorité souveraine est daté du mardi, 13 septembre : Gilles de Rais était alors dans son château de Machecoul. Dès le soir du même jour ou le lendemain, un capitaine d’armes breton, Jean Labbé, agissant au nom de Jean  V, et ayant avec lui Robin Guillaumet, notaire faisant office d’huissier et agissant au nom de Jean de Malestroit, se présenta aux portes de Machecoul, à la tête d’une troupe armée[2]. D’abord surpris de cette menace, Gilles paraît hésiter ; quelques familiers lui conseillent la résistance. Mais l’esprit du maréchal est irrésolu : quelques jours avant, Roger de Bricqueville et Gilles de Sillé, deux de ses complices, qui prenaient depuis longtemps des décisions pour lui, pressentant bien que le tonnerre allait tomber sur cette demeure, s’étaient prudemment mis à l’abri de la foudre par une fuite précipitée. Le maréchal, privé de ceux qui le dirigeaient d’ordinaire dans tous les dangers, ressemblait, par ses irrésolutions et son peu d’énergie, à un navire désemparé.

  1. Michelet, Hist. de France, t. V, l. c.
  2. Proc. civ., fo 366, ro et vo.