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L’ENQUÊTE SECRÈTE.

qu’honorables, placées à l’abri de tout soupçon par la dignité de leur vie et l’honneur de leur réputation ; elles se pressent sous les pas de l’évêque ; en quelque lieu qu’il arrive, à Nantes, à Machecoul, à Saint-Cyr-en-Rais, dans tout le pays en un mot ; il les rencontre partout, unanimes dans leurs récits, dans leurs accusations et dans leurs plaintes. Le cœur du père pouvait-il ne pas être touché ? La complainte des jeunes filles de Pléeur, que nous citerons plus tard, paraît avoir gardé le souvenir de ce qui se passa entre le pasteur et son troupeau : « Je vous vengerai, moi, Jean de Malestroit, je vous vengerai, de par le ciel, et Gilles de Rais périra de male mort ! » Par compassion pour une si grande douleur, moins encore que par devoir de sa charge et par amour de la justice, l’évêque promet à ces malheureux aide et protection ; non content de les faire interroger par d’autres avec le plus grand soin (examinari fecimus diligenter), il les interroge souvent lui-même. En même temps, il délègue des commissaires et des procureurs pour aller recueillir les plaintes et les dépositions là où il ne peut se transporter en personne ; il montre enfin une ardeur infatigable à hâter le soulagement du pauvre peuple, ployant sous le fardeau qu’il porte. Partout où pénètrent ses délégués, les accusations sont les mêmes ; identiques sont les bruits qui circulent dans les villes, les villages et les hameaux ; le doute n’est donc plus possible ; l’évêque a pris connaissance de tous les faits ; car, selon l’usage et d’après son ordre, toutes ces dépositions ont été consignées en latin sur les registres des visites épiscopales[1]. Aussi, l’avant-dernier jour de juillet, peu de temps après le commencement de l’enquête secrète, à peu près un mois après l’attentat de Saint-Étienne-de-Mer-Morte, Jean de Malestroit, par lettres patentes du 30 juillet 1440, signalait authentiquement les crimes imputés

    à la conservation de la foi et des mœurs. Ils prêtaient serment sur les Évangiles. Ils se rapportent à l’ancien droit ecclésiastique, auquel cette procédure est conforme, au moins dans ses grandes lignes.

  1. Proc. ecclés.. Acte d’accusation, art. xv, p. xx.